27 mars 2013

Au Musée de l'armée : regards croisés sur Napoléon et l'Europe

Mis à jour le 1er avril 2013, 16:44
Une belle exposition s'ouvre aujourd'hui au Musée de l'Armée, à Paris : Napoléon et l'Europe. «En près de quinze années de pouvoir, Napoléon a profondément marqué la France, souligne Emilie Robbe, commissaire de l'exposition. Comment, dans la même période, au fil des guerres, des conquêtes, puis de l'échec final, a-t-il changé l'Europe ?» C'est ce que permet de comprendre, lors d'un circuit riche et documenté, cette exposition originale, qui retrace par des regards croisés, divers, voire opposés, la trajectoire napoléonienne et son impact sur la construction européenne. Ni propos à charge, ni discours hagiographique, mais «lecture lucide et distanciée sur une période déterminante de l'histoire de France», comme le souligne le général Christian Baptiste, directeur du Musée de l'Armée.
© Musée des beaux Arts Angers - Office fédéral de la culture, Musero Vincenzo Vela, Suisse.
Quinze années de pouvoir qui ont profondément marqué la France et l'Europe. Photos : Buste de
Napoléon Bonaparte. D'après Antonio Canova. Italie, vers 1803 © Musée des Beaux Arts d'Angers.
Les derniers jours de napoléon Ier. Vincenzo Vela, Italie, 1866 © Museo Vincenzo Vela, Ligoneto, Suisse.
250 œuvres d'art, armes, uniformes, figurines, bijoux, tableaux, estampes, sculptures, documents d'archives, des cartes, des bornes interactives, des postes audio réveillent les voix de soldats... Guerre, politique, diplomatie, administration, monnaie, propagande, arts, tout y est abordé. L'ascension de Napoléon, fils de la Révolution française, l'Empereur à la conquête de l'Europe, l'administrateur, les résistances à l'Empire, sa chute, les Cent-Jours et le Congrès de Vienne. Deux temps forts : Napoléon, une ambition européenne et L'Europe face à Napoléon.

Le conquérant et le pacificateur
D'emblée, une chronologie murale détaillée retrace les évènements majeurs depuis la Révolution de 1789 jusqu'à la mort de Napoléon en 1831. On peut admirer tout à loisir le tableau de David, Le Premier consul franchissant le Grand-Saint-Bernard, contemporain de la seconde campagne d'Italie, l'un des plus célèbres portraits de Napoléon. Cheval fougueux, manteau flottant au vent, Bonaparte est vêtu de son bel uniforme de général de division. Peinte en 1800, cette œuvre ouvre l'iconographie napoléonienne en magnifiant la réalité, plus prosaïque : Bonaparte a passé les Alpes à dos de mule revêtu d’une redingote grise.

Une borne interactive permet de découvrir ses contemporains. Goethe (Bonaparte avait emporté le Werther de Goethe dans sa cantine lors de la campagne d'Egypte, le grand écrivain allemand en était très fier)*-, et tant d'autres...
© D.R.
A g. : Le premier Consul franchissant le Grand-Saint-Bernard.
A dr., la borne interactive. D.R.
A ne pas manquer : l'uniforme porté par Lord Nelson à la bataille de Trafalgar, prêté par le National maritime Museum de Londres.

«Boney» pour les Anglais
L'infatiable stratège repousse toujours plus loin les frontières de l'Empire. Si jusqu'en 1814, caricaturer l'Empereur est interdit en France, outre-manche, la satire se déchaîne. Bonaparte, «Boney» pour les Anglais, y est brocardé sans pitié. Une caricature, parue en décembre 1812, s'intitule «Douillets quartiers d'hiver». Elle contredit les informations publiées dans les Bulletins de la Grande Armée qui soutiennent le moral des troupes. 1812 est l'année de la terrible campagne de Russie. La Grande Armée se fracasse contre l'armée impériale russe du tsar Alexandre Ier, dirigée par le prince Koutouzov. Le 18 octobre 1812, Napoléon entame sa longue retraite. Les hommes, les chevaux meurent de faim, de froid, d'épuisement. La campagne de Russie montrera que Napoléon n'est pas invincible...
© Musée de l'histoire vivante, Montreuil.
Douillets quartiers d'hiver. George Cruikshank (Londres, 1812). De l'épaisse couche de neige émergent des têtes coiffées d'un bonnet phrygien, deux aigles, un casque empanaché, une paire de bottes renversées et la seule pointe des baïonnettes. Napoléon, de profil au premier plan, détaille pour le Bulletin les douillets quartiers d'hiver de la Grande Armée. A droite, un home debout, remarque: "Il est presque perdu". © RMN
Le législateur et le pacificateur
L'exposition met également en scène le souverain législateur dont les créations juridiques et administratives seront exportées dans les pays alliés. En 1810, l'empire français s'étend sur 750.000 km2, fédère des territoires aujourd'hui français, belges, hollandais, allemands, suisses et italiens et compte 44 millions d'habitants. «Napoléon estime que sa plus grande victoire est le Code civil», souligne Emilie Robbe, commissaire de l'exposition. Nombre d'Etats continuent aujourd'hui à fonctionner sur les bases de ce code. L'Empereur  décide largement seul des lois, de la diplomatie, de la guerre et construit un Etat solide, une administration compétente, s'appuie sur des finances saines. Il crée de nouvelles routes, améliore le réseau existant, indispensable aux échanges commerciaux, à l'unité de l'Empire, aux déplacements de son armée : à Brest, mais aussi à Cologne, Anvers, Amsterdam, Maastricht, Genève, Milan, Split, Dubrovnik... ; des ponts surgissent : sur le Rhin, le Tibre, la Garonne...
© D.R.
Grand stratège mais aussi administrateur. © D.R.
Si en 1812, la majeure partie du continent européen est soumise à l'influence française, la Russie prépare la guerre tandis que Napoléon rassemble la plus grande armée de son temps, où sont enrôlés des soldats venus de toute l'Europe, la fameuse «Armée des vingt nations». Les ennemis de la France se liguent contre elle. L'Empire s'effondrera au lendemain de la défaite de Leipzig (19 octobre 1813). Napoléon abdiquera après la prise de Paris le 31 mars 1814. L'aventure des Cent-Jours (1er mars - 18 juin 1815) s'achèvera avec l'écrasement de l'armée française à Waterloo. «J'ai défait des armées, mais je n'ai pu vaincre les flammes, la gelée, l'engourdissement et la mort ! Le destin a dû être plus fort que moi. Et pourtant, quel malheur pour la France, pour l'Europe!» regrettera Napoléon dont les propos seront rapportés par Las Cases, son mémorialiste qui le suivit dans son exil à Sainte-Hélène.

Transmettre le goût pour l'histoire de France
L'exposition Napoléon et l'Europe a aussi été élaboré avec un souci constant de pédagogie, particulièrement original. A l'égard des grands mais aussi des plus petits. Des panneaux explicatifs numérotés tutoient d'emblée le jeune visiteur, un livret-jeux permet de découvrir dans les salles des objets, commente de manière concise et claire une image de propagande, une caricature... Des visites-guidées «Le petit napoléon illustré : le pouvoir de l'image» et des jeux d'enquête «Mission Napoléon : à la conquête de l'Europe» permettent d'en savoir plus.

«Toujours lui ! Lui partout!» écrivait Victor Hugo à propos de l'Empereur. Napoléon a fasciné des générations d'historiens. Cette belle exposition, remarquablement orchestrée, ouvre un regard original sur l'une des périodes les plus riches de notre Histoire.
Alix Prat pour 24heuresinfo

Conversations avec Eckermann, 7 avril 1829.

Pour en savoir plus : Le Musée de l'Armée

Napoléon et l'Europe
Du 27 mars au 14 juillet 2013

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